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et de la fortune. La longue période de son enfance se passa en efforts contre les tribus de l’Italie, voisines et ennemies d’une ville naissante. Dans la vigueur de sa jeunesse, elle eut à soutenir les orages de la guerre ; elle porta ses armes victorieuses au-delà des montagnes et des mers, et rapporta des lauriers cueillis dans toutes les parties du globe. Déclinant enfin vers sa vieillesse, et triomphant encore quelquefois par la terreur de son nom, elle chercha les douceurs de l’aisance et de la tranquillité. La vénérable cité qui avait foulé les têtes orgueilleuses des nations les plus fières, et établi un code de lois pour protéger à jamais la justice et la liberté, abandonna, en mère sage et puissante, aux Césars, ses enfans favoris, le gouvernement de ses immenses possessions[1]. Une paix solide et profonde, qui rappelait le règne heureux de Numa, succéda aux révolutions sanglantes de la république. Rome était toujours adorée comme la reine de l’univers, et les nations vaincues respectaient encore la dignité du peuple et la majesté du sénat ; mais cette ancienne splendeur, ajoute Ammien, est ternie et déshonorée par la conduite de quelques-uns des nobles, qui, ou-

  1. Claudien, qui semble avoir lu l’histoire d’Ammien, parle de cette grande révolution d’un ton beaucoup moins flatteur.

    Postquam jura ferox in se communia Cæsar
    Transtulit ; et lapsi mores, desuetaque priscis
    Artibus, in gremium pacis servile recessi.

        De Bell. gildonico, 49