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coin de l’empire, ou en vaisselle d’or et d’argent ; et, du temps de Pline, on aurait trouvé dans le buffet d’un grand nombre de particuliers plus d’argent massif que Scipion n’en avait rapporté de Carthage[1]. La majeure partie des nobles dissipant leurs fortunes en profusions, se trouvaient souvent pauvres au milieu des richesses, et désœuvrés dans un cercle perpétuel d’amusemens. Une nombreuse suite d’esclaves dont l’activité était excitée par la crainte du châtiment, et une multitude d’ouvriers et de marchands, animés par le désir et l’espérance de s’enrichir, leur fournissaient des milliers de bras sans cesse en mouvement pour satisfaire leurs moindres désirs. Les anciens manquaient d’une grande partie des commodités inventées ou perfectionnées de nos jours par les progrès de l’industrie ; et l’usage général du linge et du verre procurent aux habitans de l’Europe des jouissances infiniment préférables à toutes celles que les sénateurs de Rome pouvaient tirer des raffinemens de leur fastueuse et voluptueuse profusion[2].

  1. Pline, Hist. nat., XXXIII, 50. Il fixe la masse d’argent à quatre mille trois cent quatre-vingts livres, que Tite-Live porte jusqu’à cent mille vingt-trois liv. (XXX, 45). La première estimation paraît fort au-dessous d’une ville opulente, et la seconde est beaucoup trop considérable pour le buffet d’un particulier.
  2. Le savant Arbuthnot (Tableau des anc. mon., etc., p. 153) a observé plaisamment, et je crois avec vérité, qu’Auguste n’avait ni vitres à ses croisées ni chemise sur le corps. Dans le bas empire, l’usage du linge et du verre devint un peu plus commun.