Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 6.djvu/255

Cette page a été validée par deux contributeurs.

magnanime, ou plutôt artificieux, reçut le présent céleste avec les démonstrations d’une pieuse reconnaissance ; et comme possesseur légitime de l’épée de Mars, il réclama ses droits divins et incontestables à l’empire de l’univers[1]. Si les Scythes pratiquèrent dans cette occasion leurs cérémonies accoutumées, on dut élever, dans une vaste plaine, un autel ou plutôt une pile de fagots de trois cents verges de longueur et autant de largeur, et l’on plaça l’épée de Mars, droite sur cet autel rustique, arrosé tous les ans du sang des brebis, des chevaux et du centième captif[2]. Soit qu’Attila ait répandu le sang humain dans ses sacrifices au dieu de la guerre, ou qu’il se le soit rendu propice par les victimes qu’il lui offrait sans cesse sur le champ de bataille, le favori de Mars acquit bientôt un caractère sacré, qui facilitait et assurait ses conquêtes ; et les princes barbares avouaient, ou par dévotion, ou par flatterie, que leurs yeux ne pouvaient soutenir la majesté éclatante

  1. Priscus raconte cette histoire dans son propre texte (p. 65) et dans la citation faite par Jornandès (c. 35, p. 662). Il aurait pu expliquer la tradition ou fable qui caractérisait cette fameuse épée, et en même temps le nom et les attributs de la divinité de Scythie, dont il a fait le Mars des Grecs et des Romains.
  2. Hérodote, l. IV, c. 62. Par esprit d’économie, j’ai calculé par le plus petit stade. Dans les sacrifices humains, ils abattaient l’épaule et rompaient le bras de la victime ; il les jetaient en l’air, et tiraient leurs présages de la manière dont ces membres retombaient sur la pile.