Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 6.djvu/246

Cette page a été validée par deux contributeurs.

religion de Mahomet[1], et l’on découvre quelques vestiges d’une tradition semblable dans les extrémités les plus reculées de la Scandinavie[2]. On peut attribuer la crédulité générale au mérite ingénieux de cette fable en elle-même ; nous avançons insensiblement de l’enfance à la vieillesse sans observer le changement successif, mais continuel, de toutes les choses humaines ; et même dans le tableau plus vaste que nous présente la connaissance de l’histoire, l’imagination s’accoutume, par une suite perpétuelle de causes et d’effets, à réunir les révolutions les plus éloignées ; mais si l’on pouvait anéantir en un moment l’intervalle de deux époques mémorables, s’il était possible d’exposer la scène du monde nouveau aux yeux d’un spectateur qui, après un sommeil de deux cents ans, conserverait l’impression vive de l’ancienne époque où il a commencé, sa surprise et ses réflexions fourniraient le sujet intéressant d’un roman philosophique. On ne pouvait pas placer cette scène plus avantageusement, qu’entre les deux siècles qui s’écoulèrent du règne de

  1. Voyez d’Herbelot, Bibl. orient., p. 139 ; et Renaudot, Hist. patriarch. Alexandrin., p. 39, 40.
  2. Paul, le diacre d’Aquilée (De gestes Langobardorum, l. I, c. 4, p. 745, 746, édit. Grot.), qui vécut vers la fin du huitième siècle, a placé dans une caverne, sous un rocher, et sur les bords de l’Océan, les sept dormans du Nord, dont le long sommeil fut respecté par les Barbares. Leurs habits annonçaient qu’ils étaient Romains, et le doyen suppose que la providence les destinait à opérer la conversion de ces peuples incrédules.