Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 6.djvu/237

Cette page a été validée par deux contributeurs.

par des conspirations fréquentes, et le tyran est accusé d’avoir fait répandre plus de sang vandale sur l’échafaud que dans les batailles[1]. Les troubles de l’Afrique avaient favorisé l’invasion, mais ils nuisaient à l’établissement de sa puissance. Les révoltes des Maures, des Germains, des donatistes et des catholiques ébranlaient ou menaçaient sans cesse l’enfance d’un gouvernement mal assuré. Pour attaquer Carthage, il fallut retirer ses troupes des provinces occidentales, et la côte maritime se trouvait exposée aux entreprises des Romains, de l’Espagne, de l’Italie. Dans le cœur de la Numidie, la forte ville de Cirta défendait encore avec succès son indépendance[2]. Employant tour à tour la force et la ruse, Genseric vainquit peu à peu tous les obstacles par son courage, par sa persévérance et par sa cruauté. Il conclut un traité solennel dans le dessein de profiter du temps de sa durée et de l’instant où il pourrait le rompre avec avantage. Tandis que la vigilance de ses ennemis s’endormait par des protestations d’amitié, le roi des Vandales s’approchait insensiblement de Carthage, et il la surprit cinq cent quatre-vingt-cinq ans après la destruction de cette ville et de la république par Scipion le jeune ou le second Africain[3].

  1. Victor Vitensis, De persec. Vandal., l. II, c. 5, p. 26. La Chronique de Prosper (A. D. 442) détaille et peint fortement les cruautés que Genseric exerçait sur ses sujets.
  2. Possidius, in Vit. S. Aug., c. 28, ap Ruinart, p. 428.
  3. Voyez les Chroniques d’Idatius, d’Isidore, de Prosper