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naissance de la langue latine[1]. Son style, quoique animé quelquefois par l’éloquence de la passion, est ordinairement gâté par un goût faux, et une vaine affectation de rhétorique ; mais il possédait un esprit vaste, vigoureux, et doué d’une grande puissance de raisonnement. Il a sondé d’une main hardie les abîmes obcurs de la grâce, de la prédestination, du libre arbitre, et du péché originel. L’Église latine[2] a prodigué des applaudissemens peut-être peu sincères au système de christianisme rigide qu’il a institué ou rétabli[3], et qu’elle a conservé jusqu’à nos jours.

  1. Dans sa jeunesse (Confess., I, 14) saint Augustin négligea l’étude du grec, pour laquelle il avait de la répugnance ; et il avoue naïvement qu’il n’a lu les platoniciens que dans une version latine (Confess., VII, 9). Quelques critiques modernes ont pensé que son ignorance de la langue grecque le rendait peu propre à expliquer les saintes Écritures, et Cicéron ou Quintilien auraient exigé la connaissance de cette langue dans un professeur de rhétorique.
  2. Ces questions furent rarement agitées depuis le temps de saint Paul jusqu’à celui de saint Augustin. J’ai appris que les patriarches grecs adoptaient les sentimens des semi-pélagiens, et que l’orthodoxie de saint Augustin était tirée de l’école des manichéens.
  3. L’Église de Rome a canonisé saint Augustin et foudroyé Calvin. Cependant, comme la différence de leurs opinions est imperceptible, même à l’aide d’un microscope théologique, les molinistes sont écrasés par l’autorité du saint, et les jansénistes sont déshonorés par leur ressemblance avec un hérétique ; tandis que les Arminiens protestans se tiennent à l’écart et rient de la perplexité mutuelle