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vité les Barbares à détruire la province confiée à ses soins. Les amis de Boniface, convaincus que sa conduite devait avoir quelque motif excusable, sollicitèrent, durant l’absence d’Ætius, une conférence avec le gouverneur d’Afrique ; et Darius, officier de distinction, se chargea de cette ambassade[1]. Le mystère de toutes ces offenses imaginaires s’éclaircit à Carthage dès la première entrevue ; on produisit et l’on compara les lettres contradictoires d’Ætius, et sa perfidie fut évidente. Placidie et Boniface déplorèrent leur erreur mutuelle. Le comte eut assez de grandeur d’âme pour se fier à sa souveraine, ou pour braver le danger de son ressentiment. Ardent et sincère dans son repentir, il s’aperçut bientôt avec douleur qu’il n’était plus en son pouvoir de raffermir l’édifice qu’il avait ébranlé jusque dans ses fondemens. Carthage et les garnisons romaines rentrèrent avec leur général sous l’obéissance de Valentinien ; mais la guerre et les factions déchiraient toujours le reste de l’Afrique ; et l’inexorable roi des Vandales, dédaignant toute espèce de composition, refusa durement d’abandonner sa proie. Boniface, à

  1. Saint Augustin, sans parler de la faute de Boniface ou des motifs qui l’ont occasionnée, écrit à son ami, et l’exhorte pieusement à remplir les devoirs de chrétien et de sujet, à se tirer sans délai de la situation dangereuse et coupable où il se trouve, et même à tâcher d’obtenir de sa femme la permission de passer le reste de sa vie dans le célibat et la pénitence. Tillemont, Mém. ecclés., t. XIII, p. 890. L’évêque était intime ami de Darius, qui avait été l’instrument de la réconciliation. Id., t. XIII, p. 928.