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la chasse ; mais il passait souvent une partie de la nuit à peindre ou à graver ; et l’élégance avec laquelle il transcrivait les livres de dévotion, mérita à l’empereur romain le surnom singulier de Calligraphe, ou excellent écrivain. Séparé du monde par un voile impénétrable, le jeune monarque abandonnait sa confiance à ceux qu’il aimait, et il aimait ceux qui s’occupaient de flatter ses goûts et d’amuser son indolence ; comme il ne lisait jamais les papiers où il mettait sa signature, on exécutait en son nom les injustices les plus opposées à son caractère. Théodose était chaste, sobre, libéral et compatissant ; mais ces qualités, qui ne méritent le nom de vertus que quand elles sont soutenues par le courage et dirigées par la prudence, devinrent en lui rarement utiles, et quelquefois funestes au genre humain. Une éducation reçue sur le trône avait amolli son âme, et une honteuse superstition l’asservissait et la dégradait encore. Il jeûnait, chantait des psaumes, et croyait aveuglément aux miracles et aux préceptes qui nourrissaient sa crédulité. Dévotement attaché au culte des saints, soit morts, soit vivans, de l’Église catholique, l’empereur des Romains refusa une fois de manger, jusqu’à ce qu’un moine insolent, qui avait osé excommunier son souverain, eût daigné guérir cette blessure spirituelle[1].

  1. Théodoret, l. V, c. 37. L’évêque de Cyrrhe, un des hommes les plus respectables de son siècle par sa piété et par son érudition, applaudit à l’obéissance de Théodose aux lois divines.