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et en vain la permission d’habiter Cizique ou Nicomédie ; l’inflexible impératrice le fit transporter à Cucuse, dans la Petite-Arménie, au milieu des rochers du mont Taurus. On espérait que l’archevêque ne résisterait point à une marche pénible de soixante-dix jours, dans les plus grandes chaleurs de l’été, à travers l’Asie Mineure, et continuellement exposé aux attaques des Isauriens et à la fureur bien plus implacable des moines. Cependant saint Chrysostôme arriva sans accident au lieu de son exil ; et les trois années qu’il passa à Cucuse et dans la ville voisine d’Arabisse, furent les dernières et les plus glorieuses de sa vie. La persécution et l’absence augmentèrent la vénération publique : les fautes de son administration furent oubliées ; on ne se souvint que du mérite et des vertus de saint Chrysostôme, et l’attention du monde chrétien se fixa sur un coin désert du mont Taurus. Du fond de sa solitude, l’archevêque, dont l’âme s’était fortifiée dans l’infortune, entretint une correspondance régulière avec les provinces les plus éloignées[1], exhorta les membres de sa congrégation à persévérer dans leur fidélité, pressa la destruction des temples de Phénicie et l’extinction de l’hérésie dans l’île de Chypre,

  1. Deux cent quarante-deux épîtres de saint Chrysostôme existent encore (opera, t. III, p. 528-736). Elles sont adressées à un grand nombre de personnes différentes, et déploient une fermeté d’âme fort supérieure à celle de Cicéron dans son exil. La quatorzième épître contient un détail curieux des dangers de sa route.