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rances, et n’aspirant plus à gouverner ni à vaincre les Romains, fit le projet de reprendre la vie errante et sauvage. Un corps de cavalerie barbare, débarrassée de son infanterie et des gros bagages, pouvait aisément faire en huit ou dix jours le trajet de trois cents milles qui sépare l’Hellespont du Danube[1] : les garnisons de cette importante frontière avaient été peu à peu réduites à rien. Comme on était alors au mois de décembre, le fleuve devait être glacé profondément, et la Scythie offrait une vaste perspective à l’ambition de Gainas. Il communiqua secrètement son dessein aux troupes de sa nation, qui consentirent à suivre le sort de leur chef ; et, avant de donner le signal du départ, ils massacrèrent en trahison un grand nombre d’auxiliaires tirés des provinces romaines, et qu’il soupçonnait d’attachement pour leur pays natal. Les Goths s’avancèrent par des marches rapides à travers les plaines de la Thrace, et la vanité de Fravitta leur ôta bientôt toute crainte d’être poursuivis. Au lieu d’achever d’éteindre la révolte, il retourna précipitamment à Constantinople, pour jouir des applaudissemens du peuple et des paisibles honneurs du consulat ; mais un allié formidable prit les armes pour soutenir l’honneur de l’empire et

  1. Voyages de Chishull, p. 61, 63-72-76. Il alla de Gallipoli par Andrinople jusqu’au Danube, en quinze jours à peu près. Il était de la suite de l’ambassadeur d’Angleterre, dont le bagage consistait en soixante-dix chariots. Ce savant voyageur a le mérite d’avoir tracé une route curieuse et peu fréquentée.