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réelles de l’exécution, et négligeait par crainte les occasions les plus favorables. Les Ostrogoths s’étaient imprudemment engagés dans une position désavantageuse entre le Mélas et l’Eurymedon, où ils étaient presque assiégés par les paysans de la Pamphilie ; mais l’arrivée d’une armée impériale, loin d’achever de les détruire, servit à leur délivrance et à leur triomphe. Tribigild surprit le camp des Romains dans l’obscurité de la nuit, séduisit la plus grande partie des auxiliaires barbares, et dissipa sans peine des troupes amollies dans la capitale par le luxe et par l’indiscipline. Gainas, qui avait si audacieusement concerté et exécuté le meurtre de Rufin, était irrité de la fortune de son indigne successeur. Il accusait de bassesse honteuse sa longue patience sous le règne d’un vil eunuque, et l’ambitieux Barbare fut convaincu, au moins dans l’opinion publique, d’avoir fomenté la révolte de Tribigild, son compatriote et allié de sa famille[1]. Lorsque Gainas passa l’Hellespont pour réunir sous ses drapeaux les restes des troupes de l’Asie, il conforma avec habileté tous ses mouvemens aux désirs des Ostrogoths : tantôt il se retirait du pays qu’ils voulaient envahir, et tantôt il s’approchait des ennemis pour faciliter la désertion des auxiliaires barbares. Il exagérait dans ses lettres à la cour impériale la valeur, le génie et les ressources

  1. La conspiration de Gainas et de Tribigild, que l’historien grec atteste, n’était pas parvenue à la connaissance de Claudien, qui attribue la révolte de l’Ostrogoth à sa passion pour la guerre et aux avis de sa femme.