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buaient, et par leurs craintes, lui suggéraient peut-être l’idée d’armer une flotte dans les ports de l’Ionie, et de s’en servir pour étendre ses dévastations sur toute la côte maritime, depuis les bouches du Nil jusqu’au port de Constantinople. L’approche du danger et l’obstination de Tribigild, qui se refusait à toutes les offres de conciliation, forcèrent Eutrope à assembler un conseil de guerre[1]. Après avoir réclamé pour lui-même le privilége d’un vétéran, il confia la garde de la Thrace et de l’Hellespont à Gainas le Goth, et il donna à Léo, son favori, le commandement de l’armée d’Asie. Ces deux généraux favorisèrent l’un et l’autre les succès des rebelles, mais d’une manière différente. Léo[2], qu'à raison de sa taille massive et de son esprit lourd, on surnommait l’Ajax de l’Orient, avait quitté son premier métier de cardeur de laine pour exercer avec moins d’intelligence et de succès la profession militaire. Incertain dans ses opérations, il se décidait par caprice, entreprenait sans prévoir les difficultés

  1. Le conseil d’Eutrope dans Claudien, peut être comparé à celui de Domitien dans la quatrième satire de Juvénal. Les principaux membres du premier étaient juvenes protervi, lascivique senes. L’un d’eux avait été cuisinier, l’autre cardeur de laine. Le langage de leur première profession jette un ridicule sur leur nouvelle dignité ; et leur conversation sur la tragédie, les danseurs, etc., est encore plus ridicule par l’importance du sujet qu’ils ont à débattre.
  2. Claudien (l. II, p. 376-461) le charge d’opprobres ; et Zosime, quoique beaucoup plus modéré dans ses expressions, confirme tous les reproches de Claudien, l. V, p. 305.