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employé le temps de sa vigueur et de sa jeunesse aux offices les plus bas et les plus infâmes, et dont le dernier l’avait enfin rendu à la liberté et à la misère[1]. Tandis que ces détails honteux et peut-être exagérés faisaient le sujet des conversations publiques, on prodiguait à la vanité du favori les honneurs les plus extraordinaires. Dans le sénat, dans la capitale et dans les provinces, on élevait les statues d’Eutrope en marbre et en bronze ; elles étaient décorées des symboles de ses vertus civiles et militaires, et de pompeuses inscriptions lui donnaient le surnom de troisième fondateur de Constantinople. Il obtint le rang de patrice, qualification qui, dans son acception populaire, même légale, commençait à équivaloir au titre de père de l’empereur ; et la dernière année du quatrième siècle fut déshonorée par le consulat d’un eunuque et d’un esclave[2]. Ce monstrueux prodige réveilla cependant les préjugés des

  1. Eutrope était né, à ce qu’il parait, dans l’Arménie ou l’Assyrie. Les trois esclavages que Claudien détaille particulièrement, furent ceux-ci : 1o. il passa plusieurs années au service de Ptolémée, palefrenier ou soldat des écuries impériales ; 2o. Ptolémée le donna au vieux général Arinthæus, qu’il servit avec beaucoup d’intelligence en qualité de proxénète ; 3o. Arinthæus en fit présent à sa fille lorsqu’il la maria ; et l’emploi du consul futur était de lui peigner les cheveux, de lui présenter l’aiguière d’argent, de la laver et de l’éventer durant la chaleur. Voy. l. I, 31-137.
  2. Claudien (l. I ; in Eutrop., I, 22), après avoir rapporté un grand nombre de prodiges, tels que la naissance de divers monstres, des animaux qui parlaient, des pluies de