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des eunuques avait été secret et presque invisible. Ils s’insinuaient dans la confiance de leur maître ; mais leurs fonctions ostensibles se renfermaient dans le service domestique de la personne de l’empereur. Ils pouvaient, par leurs secrètes insinuations, diriger les conseils publics, et détruire, par leurs perfides manœuvres, la fortune et la réputation des plus illustres citoyens ; mais ils n’avaient jamais osé se montrer à la tête du gouvernement[1], et profaner les dignités de l’état. Eutrope fut le premier de cette espèce dégradée qui ne craignit point de se revêtir du caractère respectable de général et de magistrat[2]. Quelquefois, en présence du sénat rougis-

  1. Après avoir déploré l’ascendant que les eunuques prennent de plus en plus dans le palais, et avoir désigné les fonctions qui leur conviennent, Claudien ajoute :

    … A fronte recedant
    Imperii.

        In Eutrop., I, 422.

    Il ne parait pas que l’eunuque ait occupé nominativement aucune des dignités effectives de l’empire, puisque dans l’édit de son bannissement, il est désigné comme præpositus sacri cubiculi. Voyez Cod. Theod., l. IX, tit. 40, leg. 17.

  2. Jamque oblita sui, nec sobria divitiis mens
    In miseras leges hominumque negocia ludit :
    Judicat Eunuchus…
    Arma etiam violare parat…


    Claudien, I, 229-270, avec ce mélange de raillerie et d’indignation qui plaît toujours dans une satire, décrit l’insolente extravagance de l’eunuque, la honte de l’empire et la joie des Goths.

    … Gaudet, cum viderit hostis,
    Et sentit jam deesse viros.