Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 6.djvu/13

Cette page a été validée par deux contributeurs.

de sa faiblesse et de ses craintes ; ils ne daignèrent ni entrer en négociation, ni assembler une armée ; et leur confiance insensée, soutenue par l’ignorance du danger terrible qui les menaçait, négligea également le moment de faire la paix et celui de se préparer à la guerre. Tandis que dans un silence méprisant ils s’attendaient tous les jours à voir les Barbares évacuer l’Italie, Alaric, par des marches rapides et hardies, passa les Alpes et le , pilla presque sans s’arrêter les villes d’Aquilée, d’Altinum, de Concordia et de Crémone, qui succombèrent sous l’effort de ses armes. Il recruta son armée de trente mille auxiliaires, et s’avança, sans rencontrer un seul ennemi qui s’opposât à son passage, jusqu’au bord des marais qui environnaient la résidence inattaquable de l’empereur d’Occident. Trop sage pour perdre son temps et consumer ses forces en assiégeant une ville qu’il ne se flattait point d’emporter, il avança jusqu’à Rimini, continua ses ravages sur les côtes de la mer Adriatique, et médita la conquête de l’ancienne maîtresse du monde. Un ermite italien, dont le zèle et la sainteté obtinrent le respect des Barbares eux-mêmes, vint au-devant du monarque victorieux, et lui annonça courageusement l’indignation du ciel contre les oppresseurs de la terre ; mais Alaric embarrassa beaucoup le saint en lui déclarant qu’il était entraîné presque malgré lui aux portes de Rome, par une impulsion inconnue et surnaturelle. Le roi des Goths se sentait élevé par sa fortune et son génie à la hauteur des entreprises les