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ennemis qui, n’ayant ni desseins ni plans fixes, variaient sans cesse dans leurs résolutions. De son camp placé sur les frontières de l’Italie, il observait attentivement les révolutions du palais, épiait les progrès de l’esprit de mécontentement et de faction, et déguisait avec soin les projets ennemis d’un conquérant et d’un barbare, sous l’apparence bien plus favorable d’ami et d’allié du grand Stilichon : il payait sans peine un tribut de louanges et de regrets aux vertus d’un héros dont il n’avait plus rien à redouter. L’invitation des mécontens qui le pressaient d’entrer en Italie, s’accordait parfaitement avec le désir de venger sa propre injure. Alaric pouvait se plaindre, avec une sorte de justice, de ce que les ministres d’Honorius éloignaient et éludaient même le payement de quatre mille livres d’or accordées par le sénat de Rome pour récompenser ses services ou apaiser son ressentiment. La noble fermeté de ses discours était accompagnée d’une apparence de modération qui contribua au succès de ses desseins. Il demandait qu’on satisfît de bonne foi à ce qu’il avait droit d’attendre ; mais il donnait les plus fortes assurances de sa promptitude à se retirer aussitôt qu’il l’aurait obtenu. Il refusait de s’en fier au serment des Romains, à moins qu’ils ne lui livrassent pour otage Ætius et Jason, les fils des deux premiers officiers de l’empire ; mais, il offrait de donner en échange plusieurs jeunes gens des plus distingués de sa nation. Les ministres de Ravenne regardèrent la modération d’Alaric comme une preuve évidente