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commander en chef ; et cet habile officier, qui avait représenté, peut-être avec trop de prudence, la difficulté de l’entreprise, eut, avant la fin de la campagne, la mortification de voir surmonter toutes ces difficultés par son rival Jovin, dans une victoire décisive qu’il remporta sur les forces dispersées des Barbares. [Leur défaite.]À la tête d’une armée bien disciplinée, composée d’infanterie, de cavalerie et de troupes légères, Jovin avança rapidement, mais avec précaution, sur Scarponna[1], dans le territoire de Metz, où il surprit une forte division des Allemands avant qu’ils eussent le temps de courir aux armes, et anima ses soldats par l’espoir de vaincre sans peine et sans danger. Une autre division, ou plutôt une autre armée, après avoir inutilement et cruellement dévasté tous les pays d’alentour, se reposait sur les bords ombragés de la Moselle. Jovin, qui avait observé le terrain avec le coup d’œil d’un général, s’avança en silence, à travers une vallée profonde et couverte de bois, jusqu’à ce qu’il pût distinctement s’assurer par ses propres yeux de l’indolente sécurité des Germains. Les uns baignaient leurs grands corps dans la rivière, d’autres peignaient leurs longs cheveux blonds, ou avalaient de copieuses rasades de vins rares et délicieux. Tout à coup la trompette romaine se fit entendre, et les légions

  1. Voyez d’Anville, Notice de l’ancienne Gaule, p. 587. Mascou (Histoire des anciens Germains, t. VII, 2) désigne clairement la Moselle, qu’Ammien ne nomme pas.