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Il publia en faveur de Stilichon beaucoup de panégyriques et de satires, et le but de ces compositions serviles se trouva d’accord avec le penchant qu’il avait à sortir des bornes de la vérité et de la nature. Ces imperfections sont toutefois compensées, à quelques égards, par le mérite poétique de Claudien. Il avait le rare et précieux talent d’ennoblir le sujet le plus ignoble, d’orner le plus sec, et de varier le plus monotone. Son coloris, surtout dans les descriptions, est brillant et doux ; et il manque rarement l’occasion de déployer, souvent même jusqu’à l’abus, les avantages d’un esprit orné, d’une imagination féconde, d’une expression facile et quelque-fois énergique, enfin d’une versification toujours abondante et harmonieuse. À cet éloge indépendant des accidens de temps et de lieu, nous devons ajouter le mérite particulier qui sut vaincre les circonstances défavorables de sa naissance. Claudien était né en Égypte[1], dans le déclin des arts et de l’empire. Après avoir reçu une éducation grecque, il acquit, dans la maturité de son âge, la connaissance et l’usage de la langue latine[2], s’éleva au-dessus de

  1. La vanité nationale en a fait un Florentin ou un Espagnol ; mais la première épître de Claudien atteste qu’il est né à Alexandrie. (Fabricius, Bibl. lat., t. III, p. 192-202, édit. Ernest.)
  2. Ses premiers vers latins furent composés sous le consulat de Probinus (A. D. 395).

    Romanos bibimus primum, te consule, fontes
    Et latiæ cessit graia Thalia togæ.

    Outre ces épigrammes qui existent encore, le poète latin