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description vague des calamités publiques, saisirent cette occasion pour exhorter les chrétiens à se repentir des péchés qui attiraient la vengeance du Tout-Puissant, et à renoncer aux jouissances précaires d’un monde trompeur et corrompu ; mais comme la controverse de Pélage[1], qui prétend sonder le mystère de la grâce et de la prédestination, devint bientôt la plus sérieuse affaire du clergé latin, la Providence, qui avait ordonné, prévu ou permis cette suite de maux physiques et moraux, fut audacieusement citée au tribunal d’une raison imparfaite et trompeuse. Les peuples, aigris par le malheur, comparaient leurs maux et leurs crimes à ceux de leurs ancêtres, et blâmaient la justice divine, qui souffrait que la destruction générale s’étendît sur la faiblesse et sur l’innocence, et qui n’en préservait pas même les enfans. Ces raisonneurs aveugles oubliaient que les lois invariables de la nature ont attaché la paix à l’innocence, l’abondance à l’industrie, et la sûreté à la valeur. La politique timide et égoïste de la cour de Ravenne pouvait rappeler les troupes palatines pour la défense de l’Italie. Le reste des troupes stationnaires aurait été sans doute insuffisant pour la défendre, et les auxiliaires barbares

  1. La doctrine de Pélage, qui fut discutée pour la première fois (A. D. 405), fut aussi condamnée, dans l’espace de dix ans, à Rome et à Carthage. Saint Augustin combattit et triompha ; mais l’Église grecque favorisa son adversaire ; et, ce qui est assez particulier, le peuple ne prit aucune part à une dispute qu’il ne comprenait pas.