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de son armée[1] ; et l’armée entière, forte de deux cent mille combattans, peut s’évaluer, en y ajoutant les femmes, les enfans et les esclaves, à quatre cent mille personnes. Cette effrayante émigration descendait de cette même côte de la mer Baltique, d’où des myriades de Cimbres et de Teutons avaient fondu sur Rome et sur l’Italie dans les temps glorieux de la république. Après le départ de ces Barbares, leur pays natal, où ils laissaient des vestiges de leur grandeur, de vastes remparts et des moles gigantesques[2], ne fut, durant plusieurs siècles, qu’une immense et effrayante solitude. Le genre humain s’y multiplia peu à peu par la génération, et une nouvelle inondation d’habitans vint remplir les vides du désert. Les nations qui occupent aujourd’hui une étendue de terrain qu’elles ne peuvent cultiver, trouveraient bientôt du secours dans la pauvreté industrieuse de leurs voisins, si les gouvernemens de l’Europe ne défendaient pas les droits du souverain et la propriété des particuliers.

Radagaise fait une invasion en Italie. A. D. 406.

La correspondance entre les nations était dans ce siècle si imparfaite et si précaire, que la cour de Ravenne put ignorer les révolutions du Nord jusqu’au moment où la tempête qui s’était formée sur la côte

  1. Olympiodore (apud Photium, p. 180) se sert du mot grec Οπτιματοι, qui ne donne pas une idée claire. J’imagine que cette troupe était composée de princes, de nobles et de leurs fidèles compagnons, des chevaliers et de leurs écuyers, comme on aurait pu les dénommer quelques siècles plus tard.
  2. Tacit., De Moribus Germanorum, c. 37.