Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 5.djvu/470

Cette page a été validée par deux contributeurs.

sentations pathétiques de Prudence furent moins efficaces que la généreuse audace de saint Télémaque, moine asiatique, dont la mort fut plus utile au genre humain que ne l’avait été sa vie[1]. Les Romains s’irritèrent de voir interrompre leurs plaisirs, et écrasèrent sous une grêle de pierres le moine imprudent qui était descendu dans l’arène pour séparer les gladiateurs : mais la fureur du peuple s’éteignit promptement ; il respecta la mémoire de saint Télémaque qui avait mérité les honneurs du martyre, et se soumit sans murmure à la loi par laquelle Honorius abolissait pour toujours les sacrifices humains des amphithéâtres. Les citoyens, qui chérissaient les usages de leurs ancêtres, alléguaient peut-être que les derniers restes de l’ardeur martiale se conservaient dans cette école d’intrépidité, qui accoutumait les Romains à la vue du sang et au mépris de la mort. Vain et cruel préjugé si honorablement réfuté par la valeur de l’ancienne Grèce et de l’Europe moderne[2] !

    1121-1131), qui avait sans doute lu la satire éloquente de Lactance (Div. instit., l. VI, c. 20). Les apologistes chrétiens n’ont pas épargné les jeux sanglans qui faisaient partie des fêtes religieuses du paganisme.

  1. Théodoret, l. V, c. 26. J’aurais grand plaisir à croire l’histoire de saint Télémaque ; cependant on n’a point élevé d’autel au seul moine qui soit mort martyr de la cause de l’humanité.
  2. Crudele gladiatorum spectaculum et inhumanum non-nullis videri solet : et haud scio an ita sit, ut nunc fit. Cic., Tusculan., II, 17. Il blâme légèrement l’abus, et défend