Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 5.djvu/46

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Valentinien avait fait placer les cages de ces gardes fidèles auprès de sa chambre à coucher, et il se plaisait à leur voir déchirer et dévorer les membres palpitans des malfaiteurs qu’on abandonnait à leur rage. L’empereur des Romains présidait à leur régime et à leurs exercices, et lorsque, par un long cours de services dignes de récompense, Innocence eut mérité sa retraite, on rendit ce fidèle animal à la liberté des forêts où il avait pris naissance[1].

Leurs lois et leur gouvernement.

Mais lorsque les terreurs de Valens et les fureurs de Valentinien faisaient place à des sentimens plus calmes, les tyrans de l’empire devenaient les pères de la patrie. L’empereur d’Occident était alors capable d’apercevoir d’un coup d’œil ce qui convenait à ses intérêts ou à ceux du public, et d’y travailler diligemment. Le souverain d’Orient, qui imitait docilement la bonne et la mauvaise conduite de son frère, se laissait quelquefois guider par le sage et vertueux Salluste. Ces deux princes conservaient sous la pourpre la chaste et frugale simplicité de leur vie privée, et, sous leur règne, les citoyens n’eurent ni à gémir ni à rougir des plaisirs de la cour. Ils réformèrent peu à peu un grand nombre des abus du règne de Constance ; ils adoptèrent et perfectionnèrent les projets de Julien et de son successeur ; et l’esprit général ainsi que le ton de leurs lois pourraient donner à la postérité la plus avantageuse opinion de leur carac-

  1. Ut bene meritam in sylvas jussit abire Innoxiam. (Ammien, XXIX, 3 ; et Valois, ad locum.)