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étroit de la petite ferme qu’il tenait de son père ; et un bâton soutenait alors ses pas chancelans sur le sol témoin des jeux de son enfance. Mais son humble et rustique félicité, que Claudien décrit avec autant de naïveté que de sentiment, n’était point à l’abri des calamités de la guerre. Ses arbres, ses vieux contemporains[1], risquaient de se trouver enveloppés dans l’incendie général du canton. Un détachement de cavalerie barbare pouvait anéantir d’un moment à l’autre sa famille et sa chaumière ; et Alaric avait la puissance de détruire un bonheur dont il ne savait pas jouir et qu’il ne pouvait pas procurer. « La Renommée, dit le poète, déployant ses ailes avec terreur, annonça au loin la marche de l’armée barbare et remplit l’Italie de consternation. » Les frayeurs de chaque individu augmentaient en proportion de sa fortune ; et les plus timides, embarquant d’avance leurs effets, méditaient de se retirer en Sicile ou sur la côte d’Afrique. Les craintes et les reproches de la superstition ajoutaient à la détresse publique[2].

  1. Ingentem meminit parvo qui germine quercum
    Æquævumque videt consenuisse nemus.

    A neighbouring wood born with himself he sees.
    And loves his old contemporary trees.

        Cowley.

    « Il voit près de sa demeure un bois né en même temps que lui, et en chérit les vieux arbres, ses contemporains. »

    Dans ce passage, Cowley est peut-être supérieur à son original ; et le poète anglais, qui était un bon botaniste, a déguisé les chênes sous une dénomination plus générale.

  2. Claudien, De bell. getic., 199-266. Il peut paraître