Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 5.djvu/453

Cette page a été validée par deux contributeurs.

un moment l’influence des armes d’Alaric sur la fortune de deux particuliers obscurs, un prêtre d’Aquilée et un laboureur des environs de Vérone. Le savant Rufin ayant été sommé par ses ennemis de comparaître devant un synode romain[1], préféra sagement les dangers d’une ville assiégée, dans l’espérance qu’il éviterait parmi les Barbares la sentence exécutée sur un autre hérétique, qui, à la requête des mêmes évêques, venait d’être cruellement fouetté et condamné à un exil perpétuel dans une île déserte[2]. Quant au vieillard[3], qui avait coulé des jours simples et innocens dans les environs de Vérone, il n’avait pas la moindre notion des querelles des rois ni des évêques. Ses désirs, son savoir et ses plaisirs étaient renfermés dans le cercle

  1. Tantum Romanæ urbis judicium fugis, ut magis obsidionem barbaricam, quàm pacatæ urbis judicium velis sustinere. Saint Jérôme, t. II, p. 239. Rufin sentit son danger personnel. La ville paisible où on voulait l’attirer était échauffée par la furieuse Marcella et le reste de la faction de saint Jérôme.
  2. Jovinien, l’ennemi des jeûnes et du célibat, qui fut persécuté et insulté par le violent saint Jérôme. Remarques, de Jortin, vol. IV, p. 104, etc. Voyez l’Édit original de son bannissement dans le Code de Théodose, l. XVI, tit. 5, leg. 43.
  3. Cette épigramme (de Sene Veronensi, qui suburbium nusquam egressus est) est une des premières et des plus agréables compositions de Claudien. L’imitation de Cowley (édit. de Hurd, vol. II, p. 241) présente quelques traits heureux et naturels ; mais elle est fort inférieure au tableau original, qui est évidemment fait d’après nature.