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leurs familles dans les fers[1]. Dans le partage des vases et des statues, les Barbares considérèrent plus la valeur de la matière que le prix de la main d’œuvre. Les femmes captives subirent les lois de la guerre, la possession de la beauté servit de récompense à la valeur, et les Grecs ne pouvaient raisonnablement se plaindre d’un abus justifié par l’exemple des temps héroïques[2]. Les descendans de ce peuple extraordinaire, qui avait considéré la valeur et la discipline comme les meilleures fortifications de Sparte, ne se rappelaient plus la réponse courageuse d’un de leurs ancêtres à un guerrier plus redoutable qu’Alaric : « Si tu es un dieu, tu n’opprimeras point ceux qui ne t’ont pas offensé ; si tu n’es qu’un homme, avance, et tu trouveras des hommes qui ne te cèdent ni en force ni en cou-

  1. Τρις μακαρες Δαναοι και τετρακις, etc. Ces superbes vers d’Homère (Odyssée, l. V, 306) furent transcrits par un des jeunes captifs de Corinthe ; et les larmes de Mummius peuvent servir à prouver que si le grossier conquérant ignorait la valeur d’une peinture originale, il n’en possédait pas moins la véritable source du bon goût, un cœur bienveillant. (Plutarque, Symposiac., l. IX, t. II, p. 737, édit. Wechel.)
  2. Homère parle sans cesse de la patience exemplaire des femmes captives, qui livrèrent leurs charmes et donnèrent même leurs cœurs aux meurtriers de leurs frères, de leurs pères, etc. Racine a représenté avec une délicatesse admirable une passion semblable dans le caractère d’Ériphile éprise d’Achille.