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sion au poète de dire : « Qu’ils traînaient leurs énormes chariots sur le vaste sein glacé du fleuve indigné[1]. » Les habitans infortunés des provinces au sud du Danube se soumirent à des calamités avec lesquelles vingt années d’habitude les avaient presque familiarisés. Des troupes de Barbares, qui toutes se glorifiaient du nom de Goths, se répandirent irrégulièrement depuis les côtes de la Dalmatie jusqu’aux portes de Constantinople[2]. L’interruption, ou du moins la diminution du subside accordé aux Goths par la prudente libéralité de Théodose, servit de prétexte à leur révolte. Cet affront les irrita d’autant plus, qu’ils méprisaient les timides fils de cet empereur ; et leur ressentiment fut encore envenimé par la faiblesse ou par la trahison du ministre d’Arcadius. Les fréquentes visites que Rufin faisait au camp des Barbares, son affectation à imiter leur appareil de guerre, parurent une preuve suffisante de

  1. … Alii per terga ferocis
    Danubii solidata ruunt ; expertaque remis
    Fragunt stagna rotis.

    Claudien et Ovide amusent souvent leur imagination à varier, par une opposition continuelle, les métaphores tirées des propriétés de l’eau liquide et de la glace solide. Ils ont dépensé beaucoup de faux bel esprit dans ce facile exercice.

  2. Saint Jérôme, t. I, p. 26. Il tâche de consoler son ami Héliodore, évêque d’Altinum, de la perte de son neveu Népotien, par une récapitulation curieuse de tous les malheurs publics et particuliers de ces temps. (Tillemont, Mém. eccl., t. XII, p. 200, etc.)