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soupçon insolent excitait sa fureur, et les ministres de la mort accouraient à sa voix. Gildon se livrait alternativement à son avarice et à sa lubricité[1] ; et si ses jours étaient l’effroi des riches, ses nuits n’étaient pas moins fatales au repos et à l’honneur des pères et des maris. Les plus belles de leurs femmes et de leurs filles, après avoir rassasié les désirs du tyran, étaient abandonnées à la brutalité d’une troupe féroce de Barbares et d’assassins pris parmi les races noires et basanées que nourrissait le désert, et regardés par Gildon comme les uniques soutiens de son trône. Durant la guerre civile entre Eugène et Théodose, le comte, ou plutôt le souverain de l’Afrique, conserva une neutralité hautaine et suspecte, refusa également aux deux partis tout secours de troupes et de vaisseaux, attendit les décisions de la fortune, et réserva pour le vainqueur ses vaines protestations de fidélité. De telles protestations n’auraient pas suffi au possesseur de l’Empire romain ; mais Théodose mourut. La faiblesse et la discorde de ses fils confirmèrent la puissance du More, qui daigna

  1. Instat terribilis vivis, morientibus hæres
    Virginibus raptor, thalamis obscænus adulter.
    Nulla quies : oritur prædâ cessante libido,
    Divitibusque dies, et nox metuenda maritis.
    … Mauris clarissima quæque
    Fastidita datur…

    Baronius condamne l’incontinence de Gildon avec d’autant plus de sévérité, que sa femme et sa fille étaient des exemples de chasteté. Les empereurs sévirent, par une de leurs lois, contre les adultères des soldats africains.