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la faisait trembler. Sa main droite abattue fut portée dans les rues de la capitale, pour demander, par une dérision barbare, des contributions au nom du tyran avaricieux, dont la tête fichée sur le fer d’une lance, servit de spectacle au public[1]. Dans les maximes sauvages des républiques grecques, sa famille innocente aurait partagé le châtiment de ses crimes : la femme et la fille de Rufin y échappèrent par l’influence de la religion ; son sanctuaire leur servit d’asile, et les défendit des outrages d’une populace en fureur. Elles obtinrent la liberté de passer le reste de leur vie dans les exercices de la dévotion chrétienne, et dans la retraite paisible de Jérusalem[2].

Discorde des deux empires. A. D. 396, etc.

Le panégyriste servile de Stilichon applaudit avec une joie féroce à cet acte de barbarie, qui, bien qu’il satisfît peut-être à la justice, n’en violait pas

  1. La dissection de Rufin, dont Claudien s’acquitte avec le sang-froid barbare d’un anatomiste (in Rufin., II, 405-415), est aussi rapportée par Zosime et saint Jérôme (t. I, p. 26).
  2. Le païen Zosime fait mention du sanctuaire et du pèlerinage. La sœur de Rufin, Sylvania, qui passa sa vie à Jérusalem, est célèbre dans l’histoire monastique. 1o. La studieuse vierge avait lu avec attention et plusieurs fois les Commentaires de la Bible, Origène, saint Grégoire, saint Basile, etc., jusqu’au nombre de cinq millions de lignes ; 2o. à l’âge de soixante ans, elle pouvait se vanter de n’avoir jamais lavé ses mains, son visage, ni aucune partie de son corps, excepté le bout de ses doigts pour recevoir la communion. (Voyez Vitæ Patrum, p. 779-977.)