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Renaissance du polythéisme.

III. La multiplicité de miracles dont les tombes des martyrs étaient continuellement le théâtre, révélaient aux pieux croyans la constitution et l’état actuel du monde invisible, et leurs spéculations religieuses paraissaient fondées sur la base solide des faits et de l’expérience. Quel que pût être le sort des âmes communes depuis l’instant de la dissolution de leurs corps jusqu’à celui de leur résurrection, il était évident que les esprits supérieurs des saints et des martyrs ne passaient pas ce long intervalle dans un sommeil honteux et inutile[1]. Il était évident encore, quoiqu’on n’osât pas déterminer le lieu de leur habitation ni la nature de leur félicité, qu’ils jouissaient vivement et activement du sentiment de leur bonheur, de leur vertu et de leur puissance, et qu’ils étaient déjà assurés d’une récompense éternelle. L’étendue de leurs facultés intellectuelles surpassait évidemment ce que peut concevoir l’imagination humaine, puisque l’expérience démontrait qu’ils pouvaient entendre et comprendre dans le même instant les vœux que leur adressaient, de toutes les parties du monde, les nombreux supplians qui invo-

  1. Burnet (De statu mortuorum, p. 56-84) recueille les opinions des Pères, qui affirment le sommeil ou le repos des âmes jusqu’au jour du jugement. Il expose ensuite les inconvéniens qui pourraient arriver, si elles conservaient une existence sensible et active.