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dans l’amphithéâtre, aux acclamations de la populace ; et un grand nombre de citoyens donnèrent l’impuissance reconnue de leur dieu tutélaire pour le motif de leur conversion. Les religions qui offrent au peuple un objet de culte matériel et visible, ont l’avantage de s’adapter à la nature des sens et de les familiariser avec les idées religieuses ; mais cet avantage est contre-balancé par les accidens divers et inévitables auxquels est exposée la foi de l’idolâtre. Il est presque impossible qu’il puisse conserver, dans toutes les situations d’esprit, un respect implicite pour les idoles ou les reliques que le tact et la vue ne sauraient distinguer des productions les plus ordinaires de l’art ou de la nature ; et si, au moment du danger, leur vertu secrète et miraculeuse est impuissante pour leur propre conservation, l’adorateur détrompé méprise les vaines excuses des prêtres, et l’objet de son ancienne superstition, ainsi que la folie qui l’y attachait, deviennent avec raison le sujet de ses railleries[1]. Après la destruction de Sérapis, les païens espérèrent quelque temps que le Nil refuserait son influence bienfaisante aux impies dominateurs de l’Égypte : un retard extraordinaire de l’inondation semblait annoncer la colère de la divinité du fleuve ; mais ce délai fut compensé par la crue rapide des eaux ; elles s’élevèrent même tout à coup à une si grande hauteur, que le parti

  1. L’histoire de la réformation offre de fréquens exemples du passage soudain de la superstition au mépris.