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monumens comme autant de trophées de la victoire du christianisme. Dans le déclin des arts on les aurait convertis utilement en magasins, en manufactures ou en places d’assemblées publiques. Peut-être lorsque les murs des temples se seraient trouvés suffisamment purifiés par des cérémonies pieuses, le culte du vrai Dieu aurait daigné effacer le souvenir de l’idolâtrie ; mais tant qu’ils subsistaient, les païens se flattaient secrètement que quelque heureuse révolution, qu’un second Julien rétablirait peut-être les autels de leurs dieux ; et les pressantes sollicitations dont ils importunaient le souverain[1], animaient le zèle des réformateurs chrétiens à extirper sans miséricorde les racines de la superstition. Il paraît, par quelques édits des empereurs, qu’ils adoptèrent des sentimens moins violens[2] ; mais ce fut avec une froideur et une indifférence qui les rendirent inutiles, et n’opposèrent qu’une barrière impuissante contre ce torrent d’enthousiasme et d’avidité dont les chefs spirituels de l’Église dirigeaient ou plutôt

  1. Code de Théodose, l. XVI, tit. 10, leg. 8, 18. Il y a lieu de croire que ce temple d’Édesse, que Théodose voulait conserver pour servir à quelque autre usage, ne fut bientôt qu’un monceau de ruines. (Libanius, pro Templis, p. 26, 27 ; et les notes de Godefroy, p. 59.)
  2. Voyez la curieuse harangue de Libanius (pro Templis), prononcée ou plutôt composée vers l’année 390. J’ai consulté avec fruit la traduction et les remarques du docteur Lardner. (Témoignages des Païens, vol. IV, p. 135-163.)