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dessein aux entreprises de l’ennemi. Théodose descendit des montagnes, et découvrit, non sans un peu de surprise, le camp des Gaulois et des Germains qui couvrait la plaine depuis les murs d’Aquilée jusqu’aux bords du Frigidus[1] ou rivière froide[2]. Un théâtre étroit, borné par les Alpes et par la mer Adriatique, offrait peu d’exercice aux talens militaires. Le fier Arbogaste dédaignait de demander grâce ; son crime lui ôtait tout espoir de réconciliation, et Théodose était impatient d’assurer sa gloire et de venger le meurtre de Valentinien. Sans peser les obstacles de la nature et de l’art, qui s’opposaient à ses efforts, l’empereur fit attaquer le camp des ennemis ; et en donnant aux Goths le poste honorable du danger, il désirait secrètement que cette sanglante journée diminuât le nombre et l’orgueil de ces conquérans. Dix mille de ces auxiliaires, et Bacurius général des Ibères, périrent courageusement sur le champ de bataille ; mais la victoire ne fut pas le prix de leur sang. Les Gaulois tinrent ferme, et l’ap-

  1. Le Frigidus, rivière peu considérable dans le pays de Goretz, aujourd’hui connue sous le nom de Vipao : elle se jette dans le Sontius ou Lisonzo, au-dessus d’Aquilée, à quelques milles de la mer Adriatique. Voyez les Cartes anciennes et modernes de d’Anville, et l’Italia antiqua de Cluvier, t. I, p. 188.
  2. L’affectation de Claudien est intolérable. La neige était teinte en rouge, la rivière froide fumait, et les cadavres auraient encombré le canal, si la grande quantité de sang n’avait pas augmenté le courant.