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suite d’un objet important, son courage devenait capable des plus grands efforts ; mais après la réussite d’une entreprise, après la crise d’un danger, le héros retombait dans un repos sans gloire ; et, oubliant que le temps d’un prince appartient à ses sujets, il se livrait aux plaisirs innocens mais frivoles d’une cour fastueuse. Théodose était naturellement impatient et colère ; et dans un rang où personne ne pouvait lui résister, où peu d’hommes osaient lui faire des représentations, le monarque sensible craignait également le danger de ses faiblesses et celui de sa puissance. Il travaillait sans cesse à vaincre ou du moins à modérer l’impétuosité de ses passions, et le succès de ses efforts augmentait le mérite de sa clémence. Mais la vertu pénible qu’exige toujours un combat n’est pas toujours sûre de la victoire ; le règne d’un prince sage et clément fut souillé par un acte de cruauté qu’on attendait à peine d’un Néron ou d’un Domitien ; et par un étrange contraste, l’historien de Théodose, dans le cours seulement de trois années, rapporte et le pardon généreux que ce prince accorda aux citoyens d’Antioche, et le massacre inhumain des habitans de Thessalonique.

Sédition d’Antioche. A. D. 387.

L’esprit inquiet du peuple d’Antioche ne lui permettait jamais de se trouver content de sa propre situation, ni du caractère et du gouvernement de ses souverains. Les sujets ariens de Théodose déploraient la perte de leurs églises ; trois évêques rivaux se disputèrent le siége d’Antioche, et la sentence qui décida de leurs prétentions excita les murmures