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d’Arius qu’elle tâchait d’inculquer à son fils. Justine, persuadée qu’un empereur romain avait le droit d’obtenir dans ses propres états l’exercice public de sa religion, crut faire à saint Ambroise une proposition raisonnable et modérée en lui demandant la jouissance d’une seule église, soit dans la ville, soit dans les faubourgs de Milan ; mais le pieux archevêque se conduisait par des principes différens[1]. Il reconnaissait que les palais de la terre appartiennent au souverain ; mais il considérait les églises comme le sanctuaire de Dieu, dont il prétendait, comme successeur des apôtres, être le seul ministre dans toute l’étendue de son diocèse. Les vrais croyans devaient jouir exclusivement des priviléges temporels aussi-bien que spirituels du christianisme, et le prélat regardait ses opinions théologiques comme la règle essentielle et invariable de l’orthodoxie et de la vérité. Il refusa toute conférence ou négociation avec les disciples de Satan, et déclara, avec une fermeté modeste, qu’il souffrirait plutôt le martyre que de consentir à un sacrilége. Justine, offensée d’un refus qu’elle regardait comme un acte d’insolence et de rébellion, résolut imprudemment d’avoir recours à l’autorité impériale. Elle manda l’arche-

  1. Le tableau qu’il fait lui-même de ses principes et de sa conduite (t. II, epist. 20, 21, 22, p. 850-880) est un des plus curieux monumens de l’antiquité ecclésiastique : on y trouve deux lettres adressées à sa sœur Marcellina, une requête à Valentinien, et le sermon de basilicis non tradendis.