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les environs de Constantinople ; mais les instances de l’impératrice Flacilla, qui tremblait pour le salut de son époux, prévinrent cette dangereuse entrevue, et l’empereur fut irrévocablement confirmé dans son opinion par un argument à la portée de l’intelligence la plus grossière. Il avait récemment revêtu Arcadius, son fils aîné, de la pourpre et du titre d’Auguste ; les deux princes, placés sur un trône magnifique, recevaient l’hommage de leurs sujets. Amphilochius, évêque d’Iconium, s’approcha des empereurs, et après avoir salué Théodose avec le respect dû à un souverain, il aborda Arcadius avec les caresses familières qu’il aurait pu employer envers l’enfant d’un plébéien. Irrité de cette insolence, le monarque ordonna que ce prêtre campagnard fût à l’instant chassé de sa présence ; mais tandis que les gardes l’entraînaient à la porte, l’adroit théologien eut le temps d’exécuter son projet, en s’écriant d’une voix forte : « Tel est le traitement, ô empereur ! que le roi du ciel réserve aux hommes impies qui feignent d’adorer le Père en refusant de reconnaître la majesté divine et égale de son Fils. » L’empereur embrassa tendrement l’évêque d’Iconium, et n’oublia jamais l’importante leçon qu’il lui avait donnée par cette parabole dramatique[1].

  1. Sozomène, l. VII, c. 6 ; Théodoret, l. V, c. 16. Tillemont (Mém. ecclés., t. VI, p. 627, 628) est scandalisé des termes d’évêque campagnard, cité obscure. Je réclame la liberté de croire qu’Iconium et Amphilochius n’étaient pas dans l’Empire romain des objets d’une grande importance.