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vinssent à quelque déclaration un peu trop hardie, assembla les chefs pour les consulter ; et Dagalaiphus, avec une noble franchise, lui exprima en peu de mots leurs véritables sentimens : « Très-excellent empereur, lui dit-il, si vous songez seulement à votre famille, vous avez un frère ; si vous aimez la république, cherchez autour de vous le plus digne d’entre les Romains[1]. » L’empereur, dissimulant son mécontentement sans rien changer à ses projets, se rendit, à petites journées, de Nicée à Nicomédie, et enfin à Constantinople. Dans un des faubourgs de cette capitale[2], trente jours après son élévation, il donna le titre d’Auguste à son frère Valens. [Il associe son frère Valens à l’empire. A. D. 364, mars 28.]Les patriotes les plus hardis se soumirent en silence à sa volonté absolue, convaincus qu’en s’y opposant, ils se sacrifieraient eux-mêmes sans être de la moindre utilité à leurs concitoyens. Valens était dans la trente-sixième année de son âge ; mais ses talens ne s’étaient fait connaître dans aucun emploi civil ou militaire, et son caractère personnel ne donnait pas au monde de grandes espérances. Il avait cependant une qualité qui le rendit cher à Valenti-

  1. Si tuos amas, imperator optime, habes fratrem. Si rempublicam, quære quem vestias (Ammien, XXVI, 4). Dans le partage de l’empire, Valentinien conserva pour lui ce sincère conseiller, c. 6.
  2. In suburbano. Ammien, XXVI, 4. Le fameux Hebdomon ou champ de Mars était à sept stades ou à sept milles de Constantinople. Voyez Valois et son frère ad loc., et Ducange, Const. l. II, p. 140, 141, 172, 173.