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un jour de fête à la table de Théodose, les deux chefs, échauffés par le vin, oublièrent le respect qu’ils devaient à l’empereur, et la discrétion qu’ils avaient coutume de s’imposer, au point de trahir devant Théodose le fatal secret de leurs débats particuliers. Théodose, désagréablement frappé d’une dispute si extraordinaire, dissimula sa surprise, ses craintes et son ressentiment, et rompit quelques instans après cette assemblée tumultueuse. Fravitta, alarmé et irrité de l’insolence de son rival, dont le départ pouvait devenir le signal de la guerre civile, suivit audacieusement Priulf, et lui plongeant son épée dans le sein, l’étendit mort à ses pieds. Les compagnons des deux chefs coururent aux armes, et le fidèle Fravitta aurait succombé sans le secours des gardes impériales[1]. Telles étaient les sauvages fureurs qui déshonoraient le palais et la table de l’empereur romain ; et comme il fallait toute la fermeté et toute la modération de Théodose pour contenir l’indocilité des Goths[2], la sûreté publique

  1. Comparez Eunape (in Excerpt. legat., p. 21, 22) avec Zosime (l. IV, p. 279). Malgré la différence des noms et des circonstances, on ne peut douter que ce ne soit la même histoire. Fravitta ou Travitta fut depuis consul (A. D. 401), et continua à servir fidèlement le fils aîné de Théodose. (Tillemont, Hist. des empereurs, t. V, p. 467.)
  2. « Les Goths ravagèrent tout, depuis le Danube jusqu’au Bosphore, exterminèrent Valens et son armée, et ne repassèrent le Danube que pour abandonner l’affreuse solitude qu’ils avaient faite. » (Œuvres de Montesquieu, t. III