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de défendre, sous peine de mort, à tous ceux dont le rang militaire pouvait former un parti, de se présenter à la cérémonie de la prochaine inauguration. Telle était cependant encore l’influence de l’ancienne superstition, qu’on augmenta d’un jour le dangereux intervalle qui devait s’écouler jusqu’à cette cérémonie, parce que celui qu’on avait choisi tombait sur l’intercalaire de l’année bissextile[1]. Quand le moment fut jugé favorable, Valentinien se montra sur un tribunal élevé. L’assemblée applaudit à un choix si judicieux, et l’empereur se revêtit solennellement de la pourpre et du diadème aux acclamations de toute l’armée rangée en ordre autour du tribunal ; mais au moment où il étendait la main pour haranguer les soldats, un murmure inquiet sembla s’élever par hasard dans les rangs ; il augmenta, et d’impérieuses clameurs se firent bientôt entendre et pressèrent le nouveau monarque de se nommer sur-le-champ un collègue. Le calme intrépide de Valentinien ayant ramené la multitude au silence et au respect, il lui adressa le discours suivant : « Camarades,

  1. Ammien, dans une digression longue, parce qu’elle est déplacée (XXVI, 1), et Valois (ad locum), supposent assez légèrement qu’il comprend une question astronomique à laquelle ses lecteurs n’entendent rien. Censorin (De die natali, c. 20) et Macrob. (Saturnal., l. I, c. 12-16) traitent ce sujet avec plus de sens et de jugement. La dénomination de bissextile, qui marque l’année funeste, est dérivée de la répétition du sixième jour avant les calendes de mars. (Saint August., ad januarium, epist. 119.)