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frayée assemblée sur les remparts, et la double perspective de la terre et de la mer. Tandis qu’ils contemplaient avec envie les beautés inaccessibles de Constantinople, un parti de Sarrasins[1] que Valens avait heureusement pris à son service, fit une sortie. La cavalerie des Scythes ne tint point contre la vitesse étonnante et l’impétuosité martiale des chevaux arabes. Leurs cavaliers étaient très-exercés à la petite guerre, et la férocité des Barbares du Sud fit frémir les Barbares du Nord. Ils virent un Arabe nu et velu qui venait de tuer un soldat goth d’un coup de poignard, appliquer ses lèvres à la plaie, et sucer avec une horrible expression de plaisir le sang de son ennemi vaincu[2]. L’armée des Goths, chargée des dépouilles des riches faubourgs de Constantinople et de tous les environs, s’achemina lente-

  1. Valens avait obtenu ou plutôt acheté l’amitié des Sarrasins, dont les irruptions continuelles désolaient la Phénicie, la Palestine et l’Égypte. La foi chrétienne avait été récemment introduite chez un peuple destiné à établir et propager dans la suite une autre religion. (Tillemont, Hist. des empereurs, t. V, p. 104, 106, 141 ; Mém. ecclés., t. VII, p. 593.)
  2. Crinitus quidam, nudus omnia præter pubem, subraucum et lugubre strepens. (Ammien, XXXI, 16, et Valois ad locum.) Les Arabes combattaient souvent tout nus, coutume qu’on peut attribuer à la chaleur du climat autant qu’à une ostentation de bravoure. La description de ce Sauvage inconnu est le portrait frappant de Derar, dont le nom sema si souvent la terreur parmi les chrétiens de Syrie. (Voyez Ockley, Hist. des Sarrasins, vol. 1, p. 72, 84, 87).