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Oraison funèbre de Valens et de son armée.

Tandis que l’impression récente de la crainte et de la douleur agitait encore l’imagination des Romains, le plus célèbre orateur du siècle composa l’oraison funèbre d’une armée vaincue et d’un empereur haï du peuple, dont le trône était déjà occupé par un étranger. « Nous ne manquons pas, dit Libanius, de censeurs qui attribuent nos désastres à l’impétuosité de l’empereur ou à l’indiscipline et à la lâcheté de nos soldats ; pour moi, je respecte le souvenir de leurs victoires précédentes ; je respecte le courage avec lequel ils ont reçu une mort glorieuse, fermes à leur poste et les armes à la main ; je respecte le champ de bataille teint de leur sang et de celui des Barbares. Les pluies ont déjà effacé ces marques honorables ; mais leurs ossemens amoncelés, les os des généraux, ceux des centurions et des braves soldats, sont un monument plus durable. L’empereur lui-même combattit et tomba aux premiers rangs. En vain on lui offrit les chevaux les plus rapides pour le mettre à l’abri de la poursuite de l’ennemi ; en vain on le conjura de conserver sa vie pour le bien de l’empire ; il répondit constamment qu’il ne méritait pas de survivre à tant de vaillans guerriers, à tant de sujets fidèles, et il fut honorablement enseveli sous un monceau de morts. N’imputons pas la victoire des Barbares à la terreur, à la faiblesse ou à l’imprudence des troupes romai-

    c. 40), Idatius (in Chron.). Mais toutes ces autorités réunies ne peuvent balancer celle d’Ammien.