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étroit où il était impossible d’étendre les rangs et où elles pouvaient à peine se servir de l’épée et du javelot. Au milieu du tumulte, du carnage et du désespoir, l’empereur, abandonné de ses gardes et blessé, dit-on, par un dard, chercha sa sûreté dans les rangs des lanciers et des Mattiaires, qui conservaient encore leur terrain avec un peu plus d’ordre et de fermeté que le reste. Ses fidèles généraux, Victor et Trajan, le voyant en danger, crièrent à haute voix que tout était perdu si l’on ne parvenait à sauver l’empereur. Quelques troupes, animées par cette exhortation, accoururent à son secours : elles ne trouvèrent qu’un monceau sanglant d’armes brisées et de cadavres défigurés, sans pouvoir découvrir leur malheureux souverain ni parmi les vivans ni au nombre des morts ; et leur recherche devait nécessairement être inutile, si on peut ajouter foi aux récits des historiens qui racontent les circonstances de sa mort. [Défaite de l’empereur Valens.]Les serviteurs de Valens le transportèrent du champ de bataille dans une cabane des environs, où ils essayèrent de panser sa blessure et de pourvoir à sa sûreté. Mais une troupe d’ennemis environna bientôt cette humble retraite. Ils tâchèrent d’en forcer la porte : mais, irrités de la résistance et de quelques traits lancés du comble de la cabane, les Barbares mirent le feu à une pile de bois, qui consuma la cabane, l’empereur et sa suite. Un jeune Romain qui tomba de la fenêtre se sauva seul pour rendre témoignage de ce douloureux événement, et apprendre aux Goths quel prisonnier ils avaient perdu par leur imprudente cruauté. Un