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Victoires de Gratien sur les Allemands. A. D. 378. Mai.

On sentit vivement, dans cette circonstance, l’inconvénient auquel on s’était exposé en admettant dans l’armée, et jusque dans le palais impérial, des Barbares qui, conservant toujours des relations avec leurs compatriotes, leur révélaient imprudemment ou à dessein la faiblesse de l’empire. Un des gardes du corps de Gratien était né chez les Allemands, dans la tribu des Lentienses, qui habitait au-delà du lac de Constance. Quelques affaires de famille l’obligèrent à demander un congé, et dans la courte visite qu’il fit à ses parens et à ses amis, la vanité du jeune soldat, exposée à leurs questions, ne put résister au désir de faire connaître à quel point il était au fait des desseins de l’empereur et des secrets de l’état. Instruits par lui que Gratien se disposait à conduire toutes les forces militaires de la Gaule et de l’Occident au secours de son oncle Valens, les Allemands impatiens du repos, saisirent le moment favorable pour une invasion. Quelques détachemens qui passèrent dans le mois de février sur les glaces du Rhin, furent le prélude d’une guerre plus sérieuse. L’espoir du pillage, et peut-être de la conquête, fit taire toutes les considérations de la prudence et de la foi nationale. De chaque forêt, de chaque village, il sortait des bandes d’aventuriers audacieux ; et la grande armée des Allemands, que la crainte des peuples, à leur approche, fit monter d’abord à quarante mille hommes, fut portée, après leur défaite, à soixante-dix mille, par l’adulation servile des courtisans de la cour impériale. On rappela sur-le-champ