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le signal du combat, un serment mutuel et solennel affermit encore l’opiniâtre résolution des Goths. Dès que les deux armées s’ébranlèrent, la plaine retentit des cris des Goths ; des chants grossiers qui célébraient la gloire de leurs ancêtres, se mêlèrent à ces cris sauvages et discordans. Les Romains y répondirent par l’harmonie artificielle de leur cri militaire. Fritigern montra quelque habileté en s’emparant d’une hauteur voisine ; mais cette mêlée sanglante qui, commencée avec l’aurore ne se termina qu’à la nuit, fut soutenue des deux côtés par les efforts obstinés de la valeur, de la force et de l’adresse personnelle. Les légions d’Arménie soutinrent leur réputation ; mais elles furent écrasées par le poids irrésistible de la multitude de leurs ennemis. Les Barbares rompirent l’aile gauche des Romains et jonchèrent la plaine de leurs corps défigurés. Cet échec était compensé d’un autre côté par des succès ; et lorsque la nuit fit cesser le massacre et rentrer les deux armées dans leur camp, elles se retirèrent l’une et l’autre sans avoir obtenu ni les honneurs ni l’avantage de la victoire. La perte se fit sentir plus cruellement aux Romains relativement à l’infériorité de leur nombre ; mais les Barbares furent si épouvantés de cette résistance vigoureuse, et peut-être inattendue, qu’ils restèrent sept jours sans sortir de leur camp. On enterra les principaux officiers aussi honorablement que le permirent les circonstances ; les corps des soldats restèrent étendus sur le champ de bataille, et furent avidement dévorés par les