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Mais la valeur des Huns avait reculé les étroites limites de leurs états, et leurs chefs grossiers, connus sous le nom de Tanjoux, devinrent peu à peu des conquérans et les souverains d’un empire formidable. Vers l’Orient, l’Océan seul peut arrêter l’effort de leurs armes, et les tribus clair-semées entre l’Amour et l’extrémité de la péninsule de Corée, suivirent malgré elles les drapeaux des Huns victorieux. Du côté de l’occident, vers la source de l’Irtissh et des vallées de l’Imaüs, ils trouvèrent un pays plus vaste et des ennemis plus nombreux. Un des lieutenans du Tanjou subjugua dans une seule expédition vingt-six nations. Les Igours[1], distingués entre les Tartares par l’usage des lettres, étaient du nombre de ses vassaux ; et par une étrange liaison des événemens du monde, la fuite d’une de ces tribus errantes rappela les Parthes victorieux de l’invasion de la Syrie[2]. Au nord, les Huns regardaient l’océan comme la seule borne de leur domination. Sans ennemis pour leur résister, sans témoins pour contrarier leur vanité, ils pouvaient exécuter à leur gré la conquête réelle ou imaginaire des régions glacées de la Sibérie, et ils

  1. Les Igours ou Vigours étaient partagés en trois classes, les chasseurs, les pâtres et les laboureurs ; et les deux premières classes méprisaient la dernière. (Voyez Abulghazi, part. II, c. 7.)
  2. Mém. de l’Acad. des inscriptions, t. XXV, p. 17-33. L’esprit étendu de M. de Guignes a rapproché ces événemens éloignés.