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le sentiment de la compassion s’affaiblisse insensiblement par le spectacle et par l’habitude de la cruauté domestique, nous pouvons observer que la tente d’un pasteur tartare expose aux regards, dans leur plus dégoûtante simplicité, les objets affreux que leur déguise la délicatesse de l’Europe. Chez eux les bœufs et les moutons sont égorgés par la main dont ils étaient accoutumés à recevoir tous les jours leur nourriture, et leur insensible meurtrier voit leurs membres sanglans étalés sur sa table sans beaucoup de préparation. Dans la profession militaire, et principalement dans la marche d’une armée nombreuse, il paraît très-avantageux de faire subsister les soldats de viande, exclusivement à toute autre nourriture. Les provisions de grains tiennent beaucoup de place et sont sujettes à se gâter ; et les immenses magasins absolument nécessaires à la subsistance de nos troupes, ne peuvent se transporter que lentement et emploient beaucoup d’hommes et de chevaux ; mais les troupeaux qui accompagnent les armées tartares, offrent une provision assurée et toujours croissante de lait et de viandes fraîches. L’herbe croît très-vite et très-abondamment dans presque tous les terrains incultes, et il y a peu de contrées assez stériles pour

    barbarie anglaise est connue, etc. (Émile de Rousseau, tom. I, p. 274.) Quoi que nous puissions penser de ces observations générales, nous n’admettrons pas facilement la vérité de l’exemple qu’il allègue. La Complainte de Plutarque, et les Lamentations pathétiques d’Ovide, séduisent notre raison en excitant notre sensibilité.