Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 5.djvu/14

Cette page a été validée par deux contributeurs.

son règne, une victoire facile et décisive, et le paganisme, relevé et soutenu avec tant de soin et de tendresse par l’adresse de Julien, privé désormais de la faveur dont l’environnait le sourire du maître, tomba dans la poussière pour ne s’en relever jamais. On ferma ou on déserta les temples de la plupart des villes, et les philosophes qui avaient abusé d’une faveur passagère, crurent qu’il était prudent de raser leur longue barbe et de déguiser leur profession. Les chrétiens se virent avec joie maîtres de pardonner ou de venger les insultes qu’ils avaient souffertes sous le règne précédent[1]. Mais Jovien dissipa les terreurs des païens par un édit sage et bienveillant, qui, en proscrivant avec sévérité l’art sacrilège de la magie, accordait à tous ses sujets l’exercice libre et tranquille du culte et des cérémonies de l’ancienne religion. L’orateur Thémistius, envoyé par le sénat de Constantinople pour porter au nouvel empereur l’hommage de son fidèle dévouement, nous a conservé le souvenir de cette loi de tolérance. Il représente la clémence comme un des attributs de la nature divine, et l’erreur comme inséparable de l’humanité. Il appuie sur l’indépendance des sentimens, la liberté de la conscience, et expose assez éloquemment les principes d’une tolérance philosophique, dont la

  1. Socrate, l. III, c. 24. S. Grég. de Nazianze (orat. IV, p. 131) et Libanius (orat. parental., c. 148, p. 369) expriment les sentimens qu’éprouvaient alors leurs factions respectives.