Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 5.djvu/137

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Mœurs pastorales des Scythes et des Tartares.

On peut attribuer les différens caractères des nations civilisées à l’usage et à l’abus de la raison, qui modifient d’une manière si différente, et compliquent d’une manière si artificielle les mœurs et les opinions d’un Européen et celles d’un Chinois ; mais l’opération de l’instinct est plus sûre et plus simple que celle de la raison. Il est beaucoup plus aisé de rendre compte des appétits d’un quadrupède que des argumens d’un philosophe ; et plus les hordes de sauvages approchent de l’état des animaux, plus le caractère d’un individu est constamment le même, et plus il a de rapport à celui de tous. L’uniforme stabilité des mœurs est la suite de l’imperfection des facultés. Tous les hommes réduits dans un état d’égalité, conservent les mêmes besoins, les mêmes désirs et les mêmes jouissances ; et l’influence de la nourriture ou du climat, qu’un si grand nombre de causes morales arrêtent ou détruisent dans un état de société plus civilisé, contribuent puissamment à former et conserver le caractère national des Barbares. Dans tous les siècles, les plaines immenses de la Scythie ou Tartarie ont été habitées par des tribus errantes de pasteurs et de chasseurs, dont la paresse se refuse à cultiver la terre, et dont l’esprit inquiet dédaigne la gêne d’une vie sédentaire. Dans tous les siècles, les Scythes et les Tartares ont été renommés par leur

    p. 60), en parlant des pâtres septentrionaux de l’Europe et de l’Asie, se sert indistinctement des noms de Scythes et de Tartares.