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fer obligeait les guerriers estiens à combattre avec des massues, et la conquête de cette riche contrée fut, dit-on, le fruit de la prudence d’Hermanric plutôt que de sa valeur. Ses états, qui s’étendaient depuis le Danube jusqu’à la mer Baltique, comprenaient les premiers établissemens des Goths et toutes leurs nouvelles conquêtes. Il régnait sur la plus grande partie de l’Allemagne et de la Scythie, avec l’autorité d’un conquérant, et quelquefois avec la cruauté d’un tyran. Mais il commandait à une multitude d’hommes inhabiles à perpétuer et à illustrer la mémoire de leurs héros. Le nom d’Hermanric est presque oublié ; ses exploits sont imparfaitement connus, et les Romains semblèrent ignorer eux-mêmes les progrès d’une puissance ambitieuse qui menaçait la liberté du Nord et la tranquillité de l’empire[1].

Motifs de la guerre des Goths. A. D. 366.

Les Goths étaient héréditairement affectionnés à la maison de Constantin, dont ils avaient tant de fois éprouvé la puissance et la libéralité. Ils respectaient la foi des traités ; et s’il arrivait à quelques-unes de leurs bandes de passer les frontières romaines, ils s’excusaient de bonne foi sur l’impétuosité indocile de la jeunesse barbare. Leur mépris pour deux princes d’une naissance obscure nouvellement élevés sur le trône par une élection populaire, éveilla leur ambition et leur inspira le projet d’attaquer

  1. Ammien (XXXI, 3) observe en termes généraux : Ermenrichi… nobilissimi regis, et, per multa variaque fortiter facta, vicinis gentibus formidati, etc.