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de ce que le malheur des circonstances l’obligeait à retrancher une partie des aumônes publiques. Les chrétiens chantaient unanimement les louanges du pieux successeur de Julien ; mais ils ignoraient encore quel symbole ou quel concile le souverain choisirait pour règle fondamentale de la foi orthodoxe ; et les querelles religieuses, suspendues par la persécution, se rallumèrent avec une nouvelle fureur aussitôt que l’Église se vit à l’abri du danger. Les évêques des partis opposés se hâtèrent d’arriver à la cour d’Édesse ou d’Antioche, convaincus par l’expérience qu’un soldat ignorant se déterminait par les premières impressions, et que leur sort dépendait de leur activité. Les chemins des provinces orientales étaient couverts de prélats homoousiens, ariens ou semi-ariens et eunomiens, qui tâchaient réciproquement de se devancer dans leur course pieuse : ils remplissaient de leurs clameurs les appartemens du palais, et fatiguaient et étonnaient peut-être l’oreille de l’empereur d’un singulier mélange d’argumens métaphysiques et de violentes invectives[1]. Jovien leur recommandait l’union et la charité, et les renvoyait à la décision d’un futur concile. Sa modération était regardée comme une preuve de son indifférence ; mais il fit bientôt connaître son attachement à la foi de Nicée par le profond respect qu’il montra pour les vertus

  1. Comparez Socrate, l. III, c. 25, et Philostorg., l. VIII, c. 6, avec les Dissertations de Godefroy, p. 330.