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de pygmées humains qui, pleins de courage, faisaient aux grues une guerre dangereuse[1]. Carthage aurait tremblé, si un bruit étrange était venu lui apprendre que le pays coupé par l’équateur, recelait des deux côtés une multitude de nations qui ne différaient que par la couleur de la figure ordinaire des hommes ; et les Romains, dans leur anxiété, auraient cru voir le moment où, aux essaims des Barbares sortis du Nord, viendraient se joindre du fond du Midi d’autres essaims de Barbares aussi cruels et aussi redoutables. Une connaissance plus particulière du génie de leurs ennemis d’Afrique aurait sans doute anéanti ces vaines terreurs. On ne doit, à ce qu’il me semble, attribuer l’inaction des nègres, ni à leurs vertus, ni à leur pusillanimité. Ils se livrent, comme tous les hommes, à leurs passions et à leurs appétits, et les tribus voisines se font fréquemment la guerre[2]. Mais leur ignorance grossière n’a ja-

  1. La fable des pygmées est aussi ancienne qu’Homère. (Iliad., III, 6.) Les pygmées de l’Inde et de d’Éthiopie (Trispithami) n’avaient que vingt-sept pouces de hauteur ; et, dès le commencement du printemps, leur cavalerie, montée sur des boucs et des béliers, se mettait tous les ans en campagne pour détruire les œufs des grues. Aliter, dit Pline, futuris gregibus non resisti. Ils construisaient leurs maisons de boue, de plumes et de coquilles d’œufs. (Voyez Pline, VI, 35 ; VII, 2 ; et Strabon, l. II, p. 121.)
  2. Les troisième et quatrième volumes de l’estimable Histoire des Voyages décrivent l’état actuel des nègres. Le commerce des Européens a civilisé les habitans des côtes mari-